L’imposture

Imposture

S’il y a bien une imposture, c’est bien ce bouquin publié en 2008 ayant pour sujet les éoliennes. On se demande comment un ancien président de la république a pu cautionner ce pamphlet ? En effet, j’étais parti en me disant que j’allais apprendre quelque chose sur ces bestioles blanches mais en pratique, il n’y a rien, ou si peu et c’est mal écrit avec de nombreuses redites et peu argumenté ! Les 153 pages auraient pu être divisées par deux pour le même message et gagner ainsi quelques arbres.

Commençons par la fin à la page 152, je note en conclusion la phrase : « Le plus insupportable est que l’éolien constitue réellement un détournement financier au détriment de solutions réellement efficaces, comme les technologies d’économie d’énergie et d’autres énergies renouvelables nettement plus efficientes. » Cependant il aurait été bien de donner des exemples concrets d’énergies renouvelables plus efficientes car je n’en ai pas lu… Le livre est ainsi construit, des belles phrases qui s’enchaînent mais souvent sans argumentation scientifique étayée.

Revenons au début. Le premier chapitre évoque les techniques des vendeurs d’éolienne, technique de vente bien connues et assez insupportable au final proche des vendeurs de tapis ! Il est cependant amusant de voir que dès le second chapitre, l’auteur utilise la même technique de communication en parlant de son pays, d’écologie, du passé avec les haies autour des champs, les rivières libres… Une certaine nostalgie du passé qui dramatise la situation actuelle et met la pression sur l’éolien alors que tout ce qu’il évoque n’a absolument aucun rapport car est dû à la révolution agricole d’après guerre, notamment le remembrement !

Rentrons dans le vif du sujet. Une éolienne à terre à un rendement de 25% en moyenne, ce qui veut dire pour simplifier que sur une année, elle ne fonctionne qu’un jour sur quatre (jour et nuit compris). Nulle part, l’auteur ne dis que l’éolien en mer à un rendement de 50% (un jour sur deux) donc double ! Par ailleurs, il fait des calculs de nombre de mat à planter afin d’atteindre des objectifs de puissance installée mais ces calculs sont presques toujours sur les cas défavorables qui sont généralisés. Exemple, son calcul du nombre de mat est basé sur des éoliennes à 2MW or de nos jours, la réglementation limite les éoliennes à terre à 5MW (il en existe déjà) et en mer, il y a du 7, voire 8 et bientôt du 10MW ! Le nombre de piquet global est ainsi facilement divisé par 4 !

Sur l’éolien en mer, on se demande vraiment si l’auteur s’y connaît car les parcs éoliens gênerait la pêche ! En pratique, il est en effet interdit de pêcher dans les parcs, ce sont donc des réserves, comme des parcs naturels, ou les poissons et les crustacés sont libres et peuvent se reproduire à volonté. Au bout de quelques années, la pêche est bien meilleure autour des parcs ! L’éolien en mer pourrait donc être vue donc comme la protection ultime pour la bio-diversité, avec l’aval des pêcheurs… Amusant.

Sur la question du démantèlement, l’auteur annonce lui-même un chiffre très élevé (il joue encore sur la peur)… La grosse question semble celle des fondations ! Quel est le véritable problème de laisser le bloc de béton dans le sol recouvert de 2 mètre de terre ? A ma connaissance, le béton n’est pas polluant pour les nappes phréatiques ? Sur cette question du démantèlement, il serait vraiment intéressant d’avoir l’avis de l’auteur sur le démantèlement des barrages et des centrales nucléaires ? Pas un mot la dessus ! Il faut dire que pas une seule centrale n’a encore été démantelée (sauf le réacteur d’essai du CEA de Grenoble afin de mettre au point la procédure), Brennilis en Bretagne étant au point mort… Pour ce qui concerne les barrages, que faire des tonnes de bentonite (le plus souvent) injecté dans les montagnes en volume bien plus grand que la partie visible du barrage… La moindre des choses lorsqu’on critique une technologie est de faire de l’anthropologie symétrique et je lui conseille les livres de Bruno Latour sur la question. Enfin, que dire des lotissements et des maisons secondaires, en béton généralement, qui pollue le sol et le paysage des campagnes… Encore un chapitre raté !

Il essaye alors vainement de se rattraper sur le coût en prenant l’exemple de la centrale de Flamanville qui couterait deux fois moins chère que l’éolien selon ses dires. Le livre est écrit en 2008 mais déjà à cette époque, on savait que dans le nucléaire, il y a chiffre et chiffre ! Alors évaluée à 4 milliards, la seule construction de la centrale de Flamanville est aujourd’hui estimée à plus de 8 milliards ! Le chapitre sur les coûts n’a dès lors plus d’intérêt sauf à s’amuser à lire de la mauvaise foi… Toujours pour rafraîchir la mémoire de l’auteur, je l’invite à chercher combien le contribuable à laisser dans l’expérience aberrante du surgénérateur de Creys-Malville (car il faut être fou pour utiliser du sodium aussi dangereux sur du matériel aussi sensible).

Coté écologie, pas un mot sur la consommation d’eau d’une centrale, du réchauffement induit des rivières, ni de la pollution visuelle des tours de refroidissement visible à des kilomètres (moi, j’avoue bien les aimer) en plus de tout le reste. On a le droit au discours bien rodé sur le bruit des pales des éoliennes et les oiseaux déchiquetés sans chiffre… J’aurais par exemple aimé un exemple comparatif entre un parc éolien et le site de la Hague, combien d’oiseaux l’aviation tue par an ? L’auteur ayant sa résidence (secondaire) non loin de Civaux (pas trop trop près quand même) on aurait aimé connaître l’avis des habitants de ce village ? Si une éolienne casse, ainsi que l’auteur envisage un instant le scénario, il peut y avoir effectivement quelques dégâts. Mais si une centrale casse… Mais ce n’est pas dans son scénario ! Chapitre suivant.

Tout n’est pas nul. Les éoliennes posent un vrai problème qui est évoqué mais franchement mal et de manière redondante. Comme dis plus haut, l’éolienne fonctionne 1 jour sur 4 à terre et 1 jour sur 2 en mer. Cela pose le problème du stockage. Que faire lorsqu’il n’y a pas de vent ? Plus le parc est grand et étendus, moins il y a de trous en moyenne mais que faire ? L’auteur parle beaucoup d’aléatoire, mais avec la qualité des modèles de météo, je suis persuadé que l’énergie est prévisible à 12 voire à 24h très largement ! Pour compenser, il y a l’hydraulique, le pétrole, le gaz ou le charbon… comme pour le nucléaire ! Oui, l’auteur a carrément oublié de dire que la puissance d’une centrale était peu modulable et donc elles tournent la nuit à faire remonter de l’eau dans des barrages (stockage) ou éclairer nos villes à 3h du matin… Il manque clairement de l’anthropologie symétrique dans ce chapitre. Le sujet à la mode est la réduction de la consommation d’énergie (je suis d’accord et d’ailleurs, pourquoi alors un nouvel aéroport à Nantes mais je sors ici du sujet). Si nous arrivons à diviser notre consommation par deux, l’hydraulique a donc un pourcentage double dans la production globale de celui d’aujourd’hui et pourrait peut être palier plus sûrement certaine faiblesse d’éole ? Les usines grosses consommatrices d’électricité pourraient-elles s’adapter en fonction du vent ? C’est toute l’organisation de notre société qui est peut être à revoir… afin de retrouver des rythmes de vie peut être plus liés à notre environnement.

Le stockage de l’énergie est le véritable problème de l’énergie, toute source confondue. Il n’y a pas de bonne solution à ce jour et le livre devrait clairement en parler. Il y a déjà le stockage hydraulique évoqué ci-dessus, mais principalement placé en zone montagneuse et très gros consommateur d’eau. Il y a des pistes de stockage d’hydrogène, de stockage de chaleur dans du gravier, etc. Un véritable débat et des très gros efforts de recherche doivent être entrepris sur ce sujet… qui concerne aussi le solaire dont l’auteur parle un peu mais jamais à ce propos ! Cette problématique du stockage devrait être centrale dans ces livres sur l’énergie.

Sur les autres énergie dont le solaire, l’auteur semble bien plus gentils ! Alors que j’ai des échos très relatifs sur le photo-voltaïque (bilan écologique sur l’ensemble de la vie du produit), l’auteur ne semble guère préoccupé par cela. Par ailleurs, ne fonctionnant pas la nuit, le rendement est forcément inférieur à 50%, surtout l’hiver… Ce n’est donc pas la panacée et cela semble plutôt complémentaire que concurrent avec l’éolien. L’auteur semble être un franc partisan des prairies du Sénépy près de Grenoble qu’il faudrait préserver des éoliennes. On parle de temps en temps de centrale photo-voltaïque sur La Mure. Il faut savoir que le Sénépy surplombe le lac du Monteynard, le plus venté de France ! Par ailleurs, ce n’est pas un sommet majestueux comme le Puy de Dôme… C’est une bête bosse (pardon à mes amis qui habitent dessus) percée comme un gruyère par d’anciennes mines de charbon et coincé entre le massif du Vercors et celui des Ecrins.

Dans un geste de désespoir, l’auteur évoque alors la biomasse, truc tarte à la crême qui va clairement faire fonctionner nos ampoule d’ici 10 ans ! Toujours pareil, le truc miracle mais que du flou en pratique. La biomasse est une piste comme d’autres mais cela reste aujourd’hui une piste.

Le problème de l’énergie est qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de bonne solution. L’auteur fait croire qu’il y en a mais c’est faux. On a vite compris qu’il était pro-nucléaire, qu’il ne voulait pas de piquet sur ses lieux de vacances mais quid des déchets sur 1000 ans ? Quelle est la durée de vie minimum des déchets actuellement à la Hague  ? Qui est capable d’assurer la stabilité de notre système politique sur une aussi longue période ? On ne sais même pas si nous allons nous en sortir sans trop de guerre civile avec la fin du pétrole…

Globalement, c’est un livre très très mal écrit, peu intéressant et qui annonce beaucoup de chiffres faux. Il y a quelques points justes et intéressant mais ils sont mal traités. Le livre ressasse sans cesse le nombre de piquet d’éolienne en France. Que les vendeurs d’éolienne soient souvent malhonnêtes, forcent les mairies, on veut bien le croire (on aimerait que le débat sur le nucléaire soit, lui-aussi, plus démocratique). Mais que ces sujets soient traités et développés dans un chapitre bien écrit mais non tout du long. De nombreux points ne sont pas évoqués. Par exemple le problème de la Bretagne qui géographiquement est une zone isolée et qui n’avait hier que l’usine de la Rance et quelques centrales thermiques, le reste étant importé par des lignes à hautes tensions. Des parcs éoliens permettent petit à petit une plus grande autonomie de cette région et soulagent les lignes hautes tensions qui étaient arrivées à saturation ! Qu’est-ce que l’auteur propose pour la Bretagne ?

Il y aurait encore bien des choses à dire sur le sujet mais ce billet commence à être bien long… A chacun le droit et le devoir de se faire sa propre opinion. Je vous déconseille cependant l’achat du livre. Personnellement, je suis passé par un emprunt à la bibliothèque municipale…

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.